LMAO ♣ monaghaleks

Toc. Toc. Toc. Le bruit du destin qui frappe à la porte, avec son impitoyable et sardonique sourire. La porte s'ouvrit à la volée, laissant apparaître la mine essoufflée d'un garçon d'environ seize ans. Il bafouilla, reprit sa respiration, déglutit difficilement, lança un regard perdu sur l'ensemble de l'assemblée, et trouva enfin ce qu'il cherchait.
« Euh excusez-moi Mrs Simons, on m'envoie d'urgence. Aleksah, on m'a dit de te dire un truc. "Atropos".»
Une trentaine de visages souriants convergèrent vers Alex, interrompue en plein cours de littérature. Visages souriants qui devaient sans doute penser qu'il s'agissait d'une quelconque insulte. Que de naïveté.
Atropos. Son sang n'avait fait qu'un tour. Quelle crétine elle avait été le jour où elle avait choisi ce nom-là, et pas un autre. Elle avait bondi de sa chaise, laissant perplexes tous les pauvres adolescents et Mrs Simons, désarmée sans le seul élément de la classe qui savait au moins qui était Atropos. Les jambes de l'adolescente la menèrent aussi vite que possible hors de la salle, puis en bas des escaliers, pour refuser de s'arrêter lorsqu'elle manqua de heurter le surveillant.
« Comment ça Atropos ? »
« Aleksah, je suis désolé. On a fait ce qu'il faut, mais en attendant, tu es la seule à pouvoir faire quelque chose. »
« Qui c'est ? »
Le silence qui s'installa, le regard fuyant de l'homme, firent surgir en un rien de temps une panique incontrôlable qui fit trembler jusqu'à sa voix d'habitude assurée.
« QUI C'EST BORDEL ? »
« Jane. »
Le destin avait été sournois sur ce coup. Frapper la seule personne qu'il n'avait pas le droit de toucher. Quel salopard.
« Où est-elle ? »
Le jeune homme la mena jusqu'au foyer du lycée où, étendue sur une table, se trouvait sa meilleure amie. Elle se précipita vers elle tout en exigeant de savoir ce qui était arrivé. Tandis qu'elle fouillait frénétiquement dans la trousse de secours qui se trouvait sur la table, on lui expliqua que c'était Adam qui, rendu fou par la trahison de Jane, avait tenté de lacérer son corps à l'aide du couteau de cuisine de Mrs Smith, la vieille femme du self. On l'avait arrêté, mais le mal était fait. Elle mourait.
Guidée par une impulsion sauvage, Alex s'empara de tout ce dont elle avait besoin, à commencer par les compresses, et fourra sa main avec indifférence dans la plaie béante. Ce fut la première fois de sa vie qu'elle fut heureuse d'avoir été formée précocement au métier qui l'attendait. La dernière, aussi.
La quantité de gaze s'amenuisait, tout comme diminuait le pouls de l'adolescente. Le flot de sang qui s'écoulait d'entre ses mains, lui, ne diminuait pas. Derrière elle, elle sentait le regard pesant de la bonne vingtaine d'élèves qui n'avaient pas cours et qui, horrifiés mais intrigués - comme toujours dans le malheur -, s'agglutinaient contre la vitre du foyer.
Et soudain, plus rien. Plus une seule pulsation confuse du coeur mis à mal. Ce fut une panique bien différente de tout ce qu'elle avait pu ressentir depuis dix minutes, attendant avec appréhension l'arrivée des secours.
Ses mains lâchèrent tout, s'extirpèrent de la plaie, et se posèrent, sanglantes, sur le sternum. Et l'enfer commença réellement. Elle pressa avec force et brièveté, compta, souffla, recommença. Derrière, on entendait les cris de panique, les coups de poings contre la vitre, tandis que les larmes coulaient déjà sur son visage. Elle refusait cependant d'abandonner. Elle ne se résignerait pas. Le massage cardiaque continua durant deux minutes. Les simples pressions de ses mains avaient été remplacées par des coups de poing rageurs.
Encore cinq minutes. Cinq courtes minutes d'espoir. Un espoir naïf et déplacé. Atropos avait coupé le fil, cette garce. Des mains s'emparèrent des siennes, l'éloignèrent du corps sanguinolent qui gisait sans vie sur la table blanche qui avait viré au rouge. Au loin, ses oreilles perçurent le bruit des sirènes, annonçant l'arrivée des secours. Trop tard.